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Lettre ouverte aux ministres de la santé et aux experts du GEMS

Mesdames, Messieurs, il est bien rare que je me plaigne de ma condition sur ce blog. Mais la situation actuelle l’exige.

Comme vous le savez, le SARS-CoV2 provoque chez certaines personnes des « orages cytokiniques » et, probablement, la présence de nombreux auto-anticorps. Cette caractéristique explique les cas les plus graves de la maladie Covid-19. Mais certains patients ont déjà une quantité d’auto-anticorps inquiétante. Qui plus est, nous savons également que les maladies auto-immunes peuvent être réamorcées par le virus, créant alors des désastres sur les personnes concernées.

Je souffre de plusieurs pathologies : choroïdite auto-immune, syndrome d’Ehler-Danlos, asthme, multiples allergies avec une tendance à l’anaphylaxie. La choroïdite me prive aujourd’hui de ma vision centrale, me laissant alors une acuité d’environ un trentième. C’est peu, mais mon champ visuel est large. Les maladies auto-immunes, ce fléau, privent de nombreuses personnes d’organes, de muscles, de sens, voire même de la vie dans certains cas. Et, bien sûr, dans le cadre du Covid-19, le niveau d’activité du système immunitaire est déjà élevé sans la maladie. La marge avant le seuil critique des cas sévères ne suffit pas pour guérir rapidement.

Le confinement pratiqué sur les personnes à haut risque dont je fais partie devient de plus en plus insupportable. Depuis maintenant onze mois, je ne suis autorisé à franchir le seuil de mon appartement que pour des raisons très strictes : urgence vitale, vaccination et suspicion de Covid-19. Je ne suis pas le seul dans le cas, la restriction est la même pour les patients atteints de maladie auto-immune. J’espérais, comme beaucoup d’autres, figurer sur la liste des personnes prioritaires pour que le cauchemar cesse, en vain. Non seulement, je ne serai pas prioritaire, mais, en plus, il semblerait que la vaccination des moins mobiles intervienne après la vaccination de la population générale. Selon le calendrier actuel, je ne pourrai donc même pas profiter des fêtes de fin d’année, lorsque la crise sera probablement réglée pour la majorité de la population. Soyons réalistes, une vaccination après la population générale ne pourra pas avoir lieu avant le mois de septembre. Ajoutez à cela un mois de délai pour la deuxième dose, puis un mois et demi pour réaliser un test et vérifier l’efficacité du vaccin. Il restera encore les papiers à régler pour la mise en place des autorisations de sortie auprès de la mutuelle. Ces procédures ne pourront donc pas se terminer avant fin décembre voire fin janvier. Or, je vous l’ai dit, j’ai un Syndrome d’Ehler-Danlos et je ne suis autorisé qu’à sortir pour des soins vitaux. Je n’ai donc pas pu bénéficier des soins nécessaires à l’entretien de mon corps. L’absence de sortie empêche également d’avoir une activité physique saine, et ce malgré les palliatifs tentés dans l’appartement. Mes jambes ont difficilement supporté un trajet d’une demi-heure pour me rendre aux urgences d’un hôpital. Il est donc évident qu’une reprise de mon activité normale ne pourra pas s’effectuer sans un minimum de trois mois de revalidation fonctionnelle.

Nous, patients souffrant de maladie auto-immune, n’avons donc plus accès à notre droit le plus fondamental, celui de vivre. En refusant une priorité vaccinale, vous nous refusez un suivi médical nécessaire à nos pathologies sous peine de graves dommages irréversibles sur nos corps. Ma vision périphérique est en jeu, et je tiens à la garder. Qui plus est, nous avons déjà subi une année d’isolement total. Nos contacts numériques, contrairement à une autre partie de la population, ont également été réduits. Nous ne pouvons que nous offusquer quand nous entendons ceux et celles qui refusent les gestes barrière les plus simples. Et cela sans compter les insultes, les suggestions de suicide, le complotisme, le charlatanisme et le harcèlement en ligne dont nous avons été témoins et victimes dans ce contexte difficile. Les personnes en situation de handicap, habituellement exclues de certains milieux - dont le milieu professionnel - l’ont également été de nombreux domaines auparavant accessibles.

Nous ne pouvons plus attendre une année supplémentaire pour reprendre un semblant de vie, pour accéder à nos soins, pour pouvoir avoir des diagnostics et des traitements à nos spécificités médicales. L’absence de dépistage et de suivi aura aussi des répercussions dommageables pour l’économie du pays. Les pertes d’autonomie entraînent systématiquement des surcouts importants pour l’adaptation des postes de travail - pour ceux et celles qui ont pu tout de même trouver une place - mais aussi des logements et des actes de la vie courante. Ainsi, par la non prise en compte de notre situation, vous mettez en place des conséquences dramatiques sur nos vies et une surcharge économique et humaine sur les organismes en charge du handicap. Nous ne pouvons que compter sur vous pour résoudre cela. Alors, je vous en supplie, sauvez-nous !

Note

Cette lettre ouverte n’a pas vocation à s’intégrer dans le blog, elle ne sera pas retranscrite en audio.

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