Déchéance

Une femme travaille tard le soir

Avertissement

Attention, la lecture de cet article peut être assez difficile. Ne lisez pas si les sujets suivants vous incomfortent trop : esclavage, burn-out, relations de travail toxiques.

Un autre article fera le point sur les projets incessamment sous peu. Vous ne manquerez donc pas d’information.

Note

Cet article ne sera pas disponible en version audio, je ne me sens pas capable d’enregistrer ce texte. Cependant, il s’agit du premier disponible en français et en anglais.

Et donc dans mon dernier article, je disais que je communiquerais plus durant l’année 2022. Et un an et demi plus tard, j’émerge de nouveau dans cet espace. Il s’en est passé des choses durant ce temps, et j’ai encore besoin de me reconstruire. Tous mes projets se sont écroulés, et je me tiens là, face à un champ de ruines. Il est temps que je vous explique mon absence et ses conséquences.

Tout a commencé début 2022. J’avais refusé de travailler sur un projet qui me semblait boiteux, et de toute façon je n’en avais pas le droit. Un client de mon compagnon avait proposé un contrat qui allait soit disant nous rendre riches. La bonne blague, surtout que les montants n’ont pas arrêté de chuter. Mais malgré mon refus, le client a lourdement insisté. Puis, petit à petit, le chantage est arrivé. Si je ne réalisais pas ce projet, ils allaient virer du monde. Et des personnes en Belgique n’auraient pas la possibilité d’exercer un droit fondamental. Toutes mes oppositions ont été rejetées. Et quand je disais que tout était techniquement difficile, j’étais juste ridiculisé. Un piège s’était refermé. Il m’était impossible de refuser, et j’ai travaillé gratuitement pendant six longs mois.

Mes réserves étaient bien fondées. Et il fallait tenir des délais. Petit à petit, mes horaires ont augmenté pour arriver à 14h par jour, sept jours sur sept. Sur six mois, ce sont aux alentours de 1900h de travail. Si je ne tenais pas les délais, ils allaient virer des gens, et il faut bien penser aux enfants non ? J’ai donc arrêté tous mes projets. J’ai stoppé mes soins médicaux, et les douleurs ont augmenté. J’ai serré les dents, j’ai continué, je n’avais juste pas le choix. Et dès qu’on parlait de mes horaires, je recevais juste des encouragements parce qu’il fallait le faire, sinon il se passerait des choses. Et en plus de ça, le projet était vraiment mal défini. J’ai fait et défait et refait tant de code ! J’avais l’impression de travailler pour rien et sans aucune considération.

J’ai réussi, j’ai rendu le projet. Mais après ça, je n’ai pas su me détendre. Le stress continuait à monter. Peu après, un matin, je me suis levé. Je suis allé préparer mon thé et je suis resté figé. Je ne savais plus comment fonctionnait la bouilloire. Alors je me suis assis devant l’ordinateur. Je ne savais plus comment s’appelait le programme que je devais lancer, ni même ce que je devais faire. Le burn-out était décompensé. J’ai eu besoin d’un mois pour réussir à enfin préparer mon thé tout seul. Trois mois furent nécessaires pour que je sache à nouveau cuisiner. Cela fait un an que je me reconstruis. Développer me provoque encore des angoisses. Je commence à peine à me sentir à nouveau chez moi dans un terminal.

Au-delà de ça, j’ai pris du poids qu’il faut maintenant perdre. Les douleurs musculaires sont encore très difficiles à vivre, et j’aurais besoin de plus de soins pour gérer ma maladie. Je dois encore renforcer tout mon corps par une activité physique qui m’a été interdite durant tant de temps. Il me faudra probablement encore un an avant de me rétablir sur le plan de la santé physique. Quant à mon compagnon, lui aussi a dû travailler sur ce projet. Il est indépendant et n’a pas pu travailler pour ses autres clients durant très longtemps. La perte financière est énorme, entre 20000 et 25000 euros. On a réussi à retrouver un équilibre financier, mais cela n’a pas été simple. Heureusement que nous avons réussi à nous passer de chauffage une bonne partie de l’hiver.

J’ai mis du temps pour mettre des mots sur cette situation. Un chantage qui force au travail, des conditions inhumaines et un organisme qui s’enrichit d’un logiciel grâce à ça, les conditions sont donc remplies pour qualifier une traite d’être humain. J’ai découvert que l’esclavage continue dans nos sociétés, que toutes les strates sont concernées.

Pour ma part, je suis sorti de tout ça, et j’espère ne pas avoir à retourner dans ce genre de situation. Je pourrais vous dire que si on vous force à travailler, si on tente de vous faire chanter, refusez et assumez les conséquences. Car tout ne sera que bien pire plus tard. Mais ce conseil est trop simpliste, une situation réelle a toujours sa part de complexité. Je sais qu’il existe des associations pour aider les victimes, n’hésitez pas à y aller si ça vous arrive ou si vous en êtes témoin.

J’ai eu de bonnes rencontres durant ma reconstruction. Les projets que j’avais sont en sommeil depuis tout ce temps. L’heure du retour a sonné. Mais tout ça, ce sera l’objet d’un autre article.

Prenez soin de vous, évitez les relations toxiques et à bientôt.

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